Santé physique

Port du masque : Quelles conséquences sur la santé physique des enfants ?

 La maltraitance est une violence se caractérisant « par tout acte ou omission commis par une personne s’il porte atteinte à la vie, à l’intégrité corporelle ou psychique ou à la liberté d’une autre personne, ou compromet gravement le développement de sa personnalité et/ou nuit à sa sécurité financière. » Définition de la maltraitance du Conseil de l’Europe de 1987 et retenue par l’ANESM (Agence Nationale de l’Evaluation et de la Qualité des Etablissements et Services Sociaux et Médico-Sociaux ) – site de la HAS (1).

Dans un contexte de reprise épidémique, nombre d’établissements scolaires recommandent avec insistance voire imposent aux enfants le port du masque, en dépit de l’assouplissement des protocoles sanitaires. Avec le recul de ces deux années de règles sanitaires mises en place pour lutter contre le covid, c’est sous les angles de la prévention et de la maltraitance (1 bis) qu’il nous semble primordial, en tant qu’orthophonistes, d’informer sur les études menées auprès des jeunes. Ces études portent sur les conséquences du port du masque sur leur santé physique. L’analyse de ces études amène à se questionner sur la pertinence de ce retour de protection en classe. Car, comme on le sait, des conditions favorables d’apprentissage ont des répercussions positives sur le développement de l’enfant tant physiques que psychologiques et diminuent potentiellement le recours à des soins paramédicaux, soins parfois limités en raison de l’allongement des listes d’attente (Par exemple, dans notre cabinet, il y a au moins deux ans d’attente) et des déserts médicaux.

Si, nos recherches ont malheureusement abouti à un recueil d’études limité sur les enfants alors qu’ils ont eu à porter parfois le masque 6 à 10 heures par jour – bien plus souvent que les adultes qui pouvaient s’octroyer des pauses, il est possible de s’appuyer sur les rares études avec les enfants en les complétant par des analyses réalisées auprès d’adultes qui interrogent tout de même le développement de l’enfant.

Port du masque et pénibilité sont souvent associés (gêne respiratoire, fatigue)

Dans notre cabinet d’orthophonie en 2021, parmi les témoignages de patients sur la pénibilité du port du masque, le thème de la respiration est souvent évoqué. D’ailleurs, l’OMS recommande de «ne pas porter de masque pendant la pratique d’une activité physique d’intensité soutenue du fait que le masque est susceptible de réduire la capacité à respirer aisément»(2). Les analyses sur l’hypercapnie (élévation du taux sanguin de dioxyde de carbone) sont divergentes (3) (4) (5) (6). En revanche, une étude de mai 2022 (6 bis) conclut que le « Port de NMC (masques chirurgicaux ou masques FFP2-) augmente rapidement la teneur en CO2 dans l’air inhalé à un niveau très élevé chez les enfants en bonne santé dans une position de repos assise qui pourrait être dangereux pour la santé des enfants

Au-delà de ces divergences, la durée du port du masque en continu peut tout de même être questionnée. En ostéopathie (6 ter), des constats apparaissent également « Si le masque ne provoque pas de manque d’oxygène, il nous pousse néanmoins à respirer différemment et à solliciter plus que d’habitude nos muscles respiratoires. En cela, il peut provoquer des troubles musculo squelettiques, une fatigue et une gêne respiratoire chronique ».

Un autre thème de pénibilité concerne la fatigue, thème certainement à mettre en lien avec les difficultés respiratoires décrites ci-dessus et avec l’effort d’écoute augmenté par la dégradation du signal sonore (7). Ses corollaires possibles seront des difficultés d’attention et de concentration, et le manque d’intelligibilité. Pour les fonctions exécutives supérieures, comme l’attention, nous n’avons pas trouvé d’étude pendant cette période. Néanmoins, comme le souligne la psychologue clinicienne et psychothérapeute Marie-Estelle DUPONT, «jusqu’à la sixième environ, les connexions synaptiques chargées de transmettre l’influx nerveux dans le cerveau, croissent de manière exponentielle, faisant grandir les différents lobes cérébraux, notamment les lobes responsables de l’inhibition de l’action (lorsqu’elle est dangereuse par exemple). Ces connexions ont besoin d’oxygène pour que le cerveau puisse établir ses facultés correctement. » (8). En revanche, une étude a été faite auprès des personnes âgées. Elle indique que la dégradation de la qualité de la parole, combinée au bruit ou à la réverbération de la pièce et à l’absence de repères visuels, rend la parole presque inintelligible pour beaucoup (9). Cette étude nous amène alors à élargir la tranche d’âge et à nous interroger sur le vécu de tous les enfants, avec une attention renforcée pour ceux porteurs d’un handicap (surdité, trouble spécifique du langage oral, épilepsie, autisme, hyperactivité, maladie chromosomique pour n’en citer que quelques-uns)

Port du masque et douleurs physiques (maux de tête, irritation de la peau et des yeux)

Parmi les douleurs physiques remontées, nous notons des maux de tête. A nouveau, il est à déplorer l’absence d’étude en population générale. Les scientifiques ont remarqué une fréquence particulièrement importante des maux de tête lors du port prolongé du masque FFP2 chez les soignants (10) « Dès lors, les sangles trop serrées qui viennent faire pression sur les tempes, des détériorations de l’hydratation ou des habitudes alimentaires pourraient expliquer les maux de tête perçus en plus des facteurs de confusion déjà cités ci-dessus. En population générale, la survenue de maux de tête causée par le masque semble être plutôt un phénomène psychosomatique ».

D’autres effets indésirables sont également relevés (11) : à nouveau des maux de tête mais aussi des éruptions cutanées, de l’acné, des lésions cutanées et des troubles cognitifs

La société française de dermatologie est citée à plusieurs reprises dans des journaux (12). Ceux-ci indiquent qu’il y a très peu de dermatoses, que des irritations sont possibles ; Il peut y avoir des aggravations de maladie de peau et de l’acné rétentionnelle.

En ce qui concerne la vue, à nouveau, il n’y a pas d’étude chez les enfants (13) alors que nombreux d’entre eux avec lunettes se sont plaints de la buée ou les retiraient, ineptie quand on sait l’importance d’une bonne vue dans l’apprentissage de la lecture (13 bis). Nous attirons également l’attention sur le syndrome de l’oeil sec. « C’est un trouble multifactoriel. D’apparence bénigne, il peut entraîner de graves dégradations de la structure oculaire, qui altèrent la vision et la qualité de vie des patients. Cette maladie, qui fait partie des plus fréquentes en ophtalmologie, a connu une forte progression avec la généralisation du port du masque pendant la pandémie de Covid-19 […] » Une étude publiée en 2007 a montré que les patients atteints d’une sécheresse oculaire étaient près de trois fois plus susceptibles de rapporter des problèmes dans leur vie quotidienne que ceux qui n’étaient pas concernés. Ils avaient notamment plus de difficultés pour lire, travailler, utiliser un ordinateur, regarder la télévision et conduire, de jour comme de nuit. Une autre étude a montré que ce syndrome entraînait des douleurs physiques et diminuait la santé perçue, la vitalité et l’énergie. Ces altérations étaient corrélées à son degré de sévérité. Elles pouvaient même, dans certains cas, provoquer des troubles psychiques, comme l’anxiété ou la dépression […] Le masque réduit la diffusion de l’air vers l’extérieur ; l’air expiré se disperse vers le haut jusqu’à la surface de l’œil, entraînant une accélération de l’évaporation du film lacrymal. (14)

Port du masque et forçage vocal

Enfin un dernier point de prévention à mettre en lien avec le décret de compétence des orthophonistes, concerne la voix. Il n’y a pas d’études actuellement sur le port du masque et la voix chez les enfants. Néanmoins il serait judicieux de se pencher sur la question puisque pour les adultes certains ORL (15) abordent le forçage vocal, une diminution du volume de la voix et un assèchement des cordes vocales. La société française de phoniatrie et de laryngologie a d’ailleurs fait des recommandations (16) ainsi que la MGEN (17) pour les adultes.

Quelle autre alternative à mettre en place ?

En conclusion, nous notons que le port du masque en population générale peut avoir des répercussions sur la santé physique. Ceci nous amène à émettre des hypothèses similaires pour les enfants – difficultés respiratoires, fatigue avec des conséquences sur le développement et les capacités d’apprentissage, irritation ou douleurs diverses dans de multiples domaines tels que la dermatologie, l’ophtalmologie, l’ostéopathie ou la phoniatrie.

Dans ce contexte, comment la médecine scolaire peut-elle « contribuer à la réussite des élèves et participer à l’accueil et l’accompagnement de chaque élève en fonction de ses besoins spécifiques liés notamment à sa santé physique ou psychique” ? (18) Quelle alternative, autre que le port du masque, dont les effets secondaires déjà à court terme sont importants, serait-il alors possible d’envisager afin de protéger les jeunes et les adultes du virus ? Quelle alternative serait-il urgent de proposer afin de développer la bienveillance (et par là-même des bénéfices certains) et d’éviter des conséquences nocives à moyen et à long terme ?

Le nombre d’études scientifiques pour la tranche d’âge 6-18 ans est fort limité et il est indispensable d’avoir un recueil et une analyse des données de santé plus ciblée pour les enfants afin que la prévention et la bienveillance, toutes deux réunies, soient les plus efficaces possible.

1

https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2018-03/anesm_synthese-

maltraitanceetablissement.pdf

1 bis https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2018-03/anesm_synthese-maltraitanceetablissement.pdf

2 https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/337984/WHO-2019-nCov-IPC_Masks-2020.5-fre.pdf

3 https://www.medisite.fr/coronavirus-masque-7-dangers-que-vous-courez-en-le-portant.5566446.806703.html?page=5

4 https://dpa-factchecking.com/belgium/200826-99-318990/

5 https://reinfocovid.fr/science/les-masques-co2-et-toxicite/

6 https://www.sciencesetavenir.fr/sante/port-du-masque-comment-gerer-les-effets-indesirables_144282

6 bis https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S001393512200891X

6 ter https://www.reflexosteo.com/blog-sante-bien-etre/gene-respiratoire-et-covid-19-406

7 https://www.unadreo.org/wp-content/uploads/2021/03/Unadreo-masque-langage.pdf Corey, R. M., Jones, U. et Singer, A. C. (2020). Acoustics effects of medical, cloth, transparent face masks on speech signals. The journal of the Acoustical Society of America, 148, 2371

8 https://www.lefigaro.fr/vox/societe/il-faut-urgemment-mettre-fin-au-port-du-masque-pour-les-enfants-20210525

9 https://hearingreview.com/hearing-loss/health-wellness/how-do-medical-masks-degrade-speech-reception

10 https://www.futura-sciences.com/sante/questions-reponses/pandemie-port-masque-donne-t-il-mal-tete-14895/

11 https://clinmedjournals.org/articles/jide/journal-of-infectious-diseases-and-epidemiology-jide-6-130.php?jid=jide

12 https://www.infirmiers.com/actualites/revue-de-presse/port-masque-et-dermatoses-societe-francaise-dermatologie-fait-le-point.html

13 https://www.pourquoidocteur.fr/Articles/Question-d-actu/35866-Lunettes-port-masque-cause-buee-ruee-lentilles-et-la-chirurgie-yeux

13 bis https://www.parents.fr/actualites/enfant/quand-les-troubles-visuels-et-auditifs-sont-au-coeur-des-difficultes-dapprentissage-de-la-lecture-420344

14 https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0515370021005206

Le syndrome de l’œil sec

15 https://www.vousnousils.fr/2020/09/18/port-du-masque-un-danger-pour-les-cordes-vocales-des-enseignants-634941

16 https://www.phoniatrie-laryngologie.fr/wp-content/uploads/2020/09/ensei2.pdf

17 https://www.mgen.fr/le-groupe-mgen/la-prevention/sante-au-travail/detail-de-larticle/news/parler-masque-la-voix-en-conditions-extremes/

18 https://www.education.gouv.fr/etre-medecin-de-l-education-nationale-7028